Exagération montant de la dot à Kinshasa : Peut-on ou doit-on légiférer

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Le mariage est, en RDC et particulièrement à Kinshasa, devenu un casse-tête et un luxe pour certains hommes, et femmes. L’officialisation des couples relève désormais du parcours du combattant pour de nombreuses personnes dans la mesure où cela fait appel à une préparation financière conséquente. Une condition que plusieurs jeunes hommes ont très souvent du mal à remplir au vu des conditions socio-économiques dans lesquelles vivent de nombreux congolais.

En plus de la remise de la dot, il y a les démarches administratives menant devant l’officier de l’état civil qu’il faut effectuer avant de songer à la fête proprement dite, avec ses nombreuses dépenses : la consommation, le lieu de la fête parfois qu’il faut louer, l’habillement des mariés et des filles d’honneur etc.

Le mariage en RDC est conditionné, selon la coutume de nombreux groupes ethniques et tribus, par la remise de la dot, entendez par là les actifs qu’un homme apporte à sa femme ou plutôt à la famille de sa femme pour la prendre officiellement en mariage. Cette dot est très souvent composée des biens en nature et diffère selon les tribus. Mais très souvent ce sont des vaches, chèvres,pagnes, Dame-jeanne de vin, du sel, des costumes, machettes,  houes,  perles, des casiers des boissons, etc.

Mais avec l’évolution du temps, en plus de ces biens en nature, il a été constaté que certaines familles demandent de l’argent, chose qui était laissé auparavant à l’appréciation de l’époux mais actuellement, l’on exige une somme consistante à mettre dans l’enveloppe allant de 1500 USD à, au-delà de 5000 USD parfois et qui dépend parfois du niveau d’études de la future mariée, de sa capacité à procréer, de sa virginité, de sa beauté etc. chose, qui tourmente souvent les jeunes hommes qui n’ont pas un gros revenu.

Au vu de cette problématique d’exagération de la dot la rédaction de pourelle.info s’est posée la question de savoir si l’on peut légiférer dans ce domaine afin d’imposer un montant standard opposable à tous et à la portée de la majorité des hommes qui veulent se marier.

Pour ce faire nous avons approché trois hommes, intellectuels et scientifiques congolais, pour savoir si ce souhait est réalisable du point de vue sociologique, politique et juridique. 

Le premier interrogé par votre média est Mozart Kikongo. Ce cadre du Parti Lumubiste Unifié, sociologue de formation, travaillant au sein du cabinet du ministère de la coopération internationale, intégration régionale et francophonie, pense que ce sujet est pertinent car en RDC le mariage coutumier ressemble de plus en plus à une vente de femmes.

‹‹ Les filles sont devenues de biens de commerce ; lorsqu’une femme accouche d’une fille, le père se réjouit  » ce bébé c’est de l’argent futur ». Des telles paroles on ne les entend pas quand il s’agit d’un bébé masculin ››, raconte-t-il.

Mozart Kikongo affirme que plusieurs jeunes hommes ont du mal à se marier à cause de cette conception des choses. Peu d’entre eux travaillent, nombreux sont dans le chômage et au vu de cette situation il leur est impossible de se marier car la facture du mariage, à cause de la cupidité de certains parents, est très souvent très salée. Certains hommes pour contourner cette situation vont carrément jusqu’à engrosser certaines filles pour pousser ses parents à la lui donner semi-gratuitement.

De ce fait Mozart Kikongo en appelle aux députés nationaux pour qu’ils penchent sur cette question afin de légiférer et mettre à la disposition de la population un montant standard et abordable à tous.

Deuxième personne interrogée, Trésor Mbuyi Kalala, juriste de formation, avocat depuis quelques années et analyste politique. Pour commencer celui-ci a fait savoir que la dot est une notion légale, elle a un soubassement juridique en l’occurrence l’article 361 du code de la famille.

‹‹ En lisant le dit article vous verrez que le législateur conditionne toute célébration du mariage qu’en cas de versement de la dot. Concernant les biens et l’argent que l’on donne le législateur se réfère à la coutume de la future mariée, il n’y a pas un montant fixe. Tout dépend de la coutume ››, a-t-il souligné.

Quand on lui demande s’il est possible de légiférer et imposer un texte en cas d’abus de la dot, maitre Kalala nous répond que c’est faisable mais à condition de modifier l’ancienne loi existante. Il insiste que dans ce cas de mariage coutumier la loi laisse libre cours à la tradition pour ce qui en est du montant de la dot. Mais, ‹‹ si l’époux se sent contrarié par un montant exorbitant de la part de sa belle famille, la loi prévoit une voie de contestation. Ce dernier peut aller au tribunal de paix pour contester la facture devant le ministère public ››, précise t-il.

Pour ce qu’il en est de la légifération et de l’adoption d’un montant standard maître Kalala affirme que c’est faisable mais pense que cela va ouvrir un débat houleux et sociétal au regard des différences culturelles en RDC. Du point de vue personnel il pense que cette question doit être gérée entre les deux partenaires. Si l’homme ne conteste pas, c’est qu’il est d’accord. ‹‹ C’est une question d’amour ››, a-t-il conclu.

La 3e personne que nous avons rencontré est Mr Alain Yele Yele, professeur d’université et très sollicité par ses connaissances dans la fameuse étape de « discussion  de factures de la dot ». Celui-ci a d’entrée de jeu recadré les choses :

‹‹ Hier la dot était du point de vue coutumier, qu’un symbole on ne parlait pas d’argent. Mais aujourd’hui la dot s’est transformée en un commerce. J’invite donc la gouvernance politique à pouvoir légiférer dans ce secteur. Il faut que la dot soit une loi. Sous d’autres cieux la dot est un symbole qui consiste à ce que les deux familles mises ensemble apportent quelque chose pour aider les nouveaux mariés à démarrer leur vie ››, explique-t-il.

Le professeur Yele Yele est étonné du fait qu’ici en RDC, la dot est plutôt un facteur d’appauvrissement de nombreux couples qui commencent parfois la nouvelle vie d’ensemble avec des dettes contractées par certains hommes pour répondre aux exigences de la belle famille.

‹‹ La dot doit être juste un symbole, et non un moyen de s’enrichir. Si la gouvernance politique, les députés nationaux peuvent voter une loi de telle sorte que la dot ne soit plus une exagération mais juste un symbole, les choses iront mieux. Car même sur le plan coutumier, les actes posés aujourd’hui énervent la coutume dans le sens où c’est devenu un commerce. Il y a des parents qui demandent même des motos, des groupes électrogènes, des télévisions, mais cela représente quoi par rapport à notre coutume ? ››, s’interroge-t-il.

Alain Yele Yele précise que selon la coutume, on demandait juste du sel, une pièce de wax et tout ce qui honorait les ancêtres et qui avait trait à la tradition. Mais ce n’est plus le cas, certaines familles sont en train de tout violer, ‹‹ les ancêtres sont mécontents ››, tempete-t-il.

De la même manière que l’on réglemente les baux à loyer, Alain Yele Yele souhaite qu’on en fasse de même pour la dot. ‹‹ Il y a beaucoup de jeunes garçons qui traînent et veulent se marier, mais ils sont bloqués par le fait que la dot pèse lourd ››, a-t-il conclu.

Au regard de ce point de vue, doit on continuer ainsi en laissant libre cours à la coutume et aux familles ? Ou doit on pousser les législateurs a créer un cadre légal avec un montant standard opposable à tous ? 

À vous de réagir et d’agir.

Dave Ngonde

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