Professeure Madeleine MBONGO MPASI : « L’intelligence artificielle ne remplacera jamais l’intuition du journaliste »

À l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse 2025, célébrée le 3 mai sous le thème « Informer dans un monde complexe : l’impact de l’intelligence artificielle sur la liberté de la presse et les médias », Pourelle.Info s’est entretenu avec Madeleine MBONGO MPASI, professeure, docteure en sciences de l’information et secrétaire administrative à l’UNISIC (ex-IFASIC), pour analyser les enjeux liés à l’IA dans le journalisme.

POURELLE.INFO : Comment définiriez-vous l’intelligence artificielle dans le contexte journalistique ?

Madeleine MBONGO MPASI : L’IA aide à structurer l’information en répondant rapidement aux questions de base : quoi, qui, où, quand. Elle facilite la rédaction et corrige selon les règles grammaticales. Mais elle ne peut répondre aux questions de fond comme « pourquoi ? » et « comment ? ». Elle ne pense pas, elle reproduit.

POURELLE.INFO : Pensez-vous que l’IA peut-elle remplacer certaines fonctions humaines dans les rédactions ?

MBONGO MPASI : Elle peut prendre en charge des tâches répétitives : traductions, rédaction de brèves, traitement de données. Mais les fonctions qui exigent un jugement éthique, une sensibilité ou une créativité narrative restent humaines. L’IA n’a ni intuition ni responsabilité morale.

POURELLE.INFO : Quels sont les risques liés à l’utilisation de l’IA dans la production de l’information ?

Madeleine MBONGO MPASI : Le principal risque, c’est la désinformation automatisée. L’IA ne distingue pas l’erreur si elle est présente dès l’entrée des données. Elle favorise aussi l’uniformisation des contenus, surtout lorsqu’un même journaliste travaille pour plusieurs médias ou qu’un seul groupe alimente plusieurs journaux.

POURELLE.INFO : L’IA remet-elle en cause la responsabilité éditoriale ?

Madeleine MBONGO MPASI : Absolument pas. Chaque rédaction doit continuer à désigner un responsable par édition. La chaîne de vérification doit rester en place. L’IA ne doit pas devenir un prétexte à la déresponsabilisation journalistique.

POURELLE.INFO : Comment former les journalistes à une utilisation éthique de l’IA ?

Madeleine MBONGO MPASI : Il faut enseigner une critique rigoureuse, comme on le fait avec l’histoire des médias et le secrétariat de rédaction. L’apprentissage de l’IA doit être intégré à une épistémologie du numérique : comprendre la technologie, mais aussi ses limites. Un bon journaliste doit savoir interroger l’outil autant qu’il l’utilise.

POURELLE.INFO : L’IA va-t-elle transformer durablement le métier de journaliste ?

Madeleine MBONGO MPASI : Elle va redéfinir certaines pratiques techniques, mais restera secondaire. Ce fut pareil avec le télex, qui a remplacé les pigeons voyageurs : il a apporté de la rapidité, mais pas de réflexion. L’IA deviendra un outil pour les tâches mécaniques, sans jamais remplacer l’intelligence journalistique.

POURELLE.INFO : Quel rôle doivent jouer les écoles de journalisme dans ce contexte ?

Madeleine MBONGO MPASI : Elles doivent anticiper. Les enseignants doivent se former aux outils numériques, rester connectés et curieux. À l’UNISIC, par exemple, nous avons un séminaire technologique obligatoire en Master 1, animé par les journalistes, les ingénieurs et les théoriciens. Il permet aux étudiants de maîtriser les innovations avant même leur adoption massive.

Divine LUKOMBO

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