Littérature en RDC : La survie économique, un défi majeur pour les écrivaines congolaises à Kinshasa

Les écrivaines congolaises parviennent-elles à subvenir à leurs besoins grâce à l’écriture ? C’est à cette question qu’ont répondu Grâce BILOLA KAKERA, écrivaine, éditrice aux « Éditions Mesdames » et présidente de l’Association des Jeunes Écrivains du Congo, ainsi que Do NSOSEME Dora, poétesse, slameuse et photographe congolaise, auteure du recueil de poèmes Ngambo Ya Congo, au cours d’une interview accordée à Pourelle.Info.

Grâce BILOLA : « En ce qui concerne la survie de l’écrivaine congolaise, je prends la parole pour y répondre en tant qu’éditrice, fréquemment en contact avec les écrivaines. »

POURELLE.INFO : Peut-on vivre de l’écriture aujourd’hui à Kinshasa ?

Grâce BILOLA

Grâce BILOLA : Vivre exclusivement de l’écriture à Kinshasa, c’est presque un luxe. Très peu y parviennent. Il faut souvent combiner l’écriture avec d’autres activités : enseignement, journalisme, animation d’ateliers, etc. Mais on peut vivre grâce à l’écriture, en étant stratégique.

POURELLE.INFO : Quelles sont les principales sources de revenus d’une écrivaine à Kinshasa ?

Grâce BILOLA : En dehors des ventes directes de livres, il y a les prestations dans les écoles, les conférences, les ateliers d’écriture, les prix littéraires, les résidences, et parfois les subventions. Certaines écrivaines vendent aussi leurs droits pour des adaptations ou touchent des cachets pour des lectures scéniques.

POURELLE.INFO : Quels sont les plus grands défis financiers auxquels font face les écrivaines congolaises, et quelles solutions pouvez-vous leur proposez en tant qu’éditrice pour s’en sortir ?

Grâce BILOLA : Le principal défi, c’est la faible rentabilité du livre : coûts de production élevés, distribution compliquée, lectorat restreint. Pour s’en sortir, il faut créer son propre réseau de vente, négocier une bonne marge, miser sur la présence en ligne et surtout faire de son livre un événement à chaque sortie.

POURELLE.INFO : Après la publication de vos ouvrages, parvenez-vous à en vendre un nombre significatif ? Ces ventes couvrent-elles les coûts engagés lors de la production par la maison d’édition, tout en vous générant un bénéfice ?

Grâce BILOLA : Tout dépend de la stratégie. Si on attend que le livre se vende tout seul dans une librairie poussiéreuse, c’est perdu d’avance. Mais avec une bonne communication, une tournée, et un lien fort avec le public, on peut vendre plusieurs centaines d’exemplaires, voire plus. Dans mon cas, les ventes ne couvrent pas toujours tous les coûts engagés, mais elles permettent de rentabiliser sur le long terme, surtout si on exploite le livre au-delà du papier.

Do NSOSEME : « À Kinshasa, pour vivre de l’écriture, le talent ne suffit pas : il faut développer une approche diversifiée et stratégique pour être financièrement productive. »

POURELLE.INFO : Aujourd’hui à Kinshasa, pouvez-vous vivre de l’écriture en tant qu’écrivaine ?

Do NSOSEME : Vivre de l’écriture à Kinshasa reste un défi. Bien qu’il y ait une certaine reconnaissance du travail des écrivaines, il est difficile de générer des revenus stables uniquement avec la vente de livres. Il faut donc adopter une approche diversifiée : participer à des événements littéraires, à des prix, à des ateliers, et collaborer avec des institutions ou des entreprises sur des projets créatifs.

POURELLE.INFO : Comment les écrivaines congolaises font-elles pour survivre à Kinshasa ?

Do NSOSEME : À Kinshasa, les principales sources de revenus pour une écrivaine proviennent de plusieurs secteurs. La première reste la vente de livres, bien qu’elle demeure modeste, car la lecture n’est pas encore une pratique courante dans les familles congolaises. Une part significative des revenus provient de la participation à des festivals littéraires, des conférences, des ateliers ou encore des formations, qui offrent non seulement de la visibilité mais aussi une rémunération plus stable. Certaines écrivaines sont également sollicitées pour des travaux de rédaction, que ce soit pour des médias locaux ou internationaux. 

Par ailleurs, les collaborations avec des institutions culturelles — musées, bibliothèques, centres culturels — dans le cadre de projets littéraires ou éducatifs, constituent des opportunités de financement non négligeables.

POURELLE.INFO : Quels sont les plus grands défis financiers auxquels vous faites face en tant qu’écrivaine congolaise, et quelles solutions mettez-vous en place pour vous en sortir ?

Do NSOSEME : Il y a plusieurs facteurs qui déterminent les défis financiers des écrivains, notamment :

L’instabilité du marché du livre et la difficulté d’accéder à des financements publics ou privés pour soutenir les projets littéraires, la lecture n’étant pas encore un produit de consommation de masse ici, ce qui limite les ventes.

Dans d’autres pays, il existe des politiques en place, notamment plusieurs prix littéraires pour soutenir les écrivain·e·s émergent·e·s, encourager la lecture et valoriser la diversité des voix. Ces initiatives permettent non seulement de faire rayonner la littérature locale à l’international, mais aussi d’offrir des moyens concrets aux auteur·rice·s de vivre de leur plume. En RDC, malgré la richesse de notre imaginaire et la puissance de nos récits, ces dispositifs restent rares ou peu connus.

Pour m’en sortir personnellement, je diversifie mon approche : en plus de ma pratique de slameuse, je propose des ateliers d’écriture et collabore avec des institutions culturelles qui cherchent à encourager la création littéraire.

Avec la démocratisation des nouvelles technologies, de plus en plus d’écrivains congolais explorent les opportunités offertes par les plateformes numériques. 

Elles y publient et vendent leurs livres en ligne, contournant ainsi les circuits traditionnels de distribution souvent limités, et atteignent un public plus large, y compris à l’international. Certaines développent de véritables stratégies de présence en ligne, utilisant les réseaux sociaux non seulement pour promouvoir leurs œuvres, mais aussi pour créer des communautés engagées autour de leurs écrits. Cette visibilité leur permet parfois d’accéder à d’autres sources de revenus : partenariats avec des marques, mécénat, ou encore monétisation de contenus (lectures filmées, podcasts littéraires, etc.). Le numérique devient ainsi un levier de professionnalisation et d’autonomie pour les autrices d’aujourd’hui.

Divine LUKOMBO

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