À l’occasion de la journée mondiale du livre et du droit d’auteur célébrée le 23 avril de chaque année, le média féminin de référence en Afrique a réalisé une interview exclusive avec Jessica NTUMBA, juriste en formation et écrivaine de la République Démocratique du Congo.

L’échange a porté sur « la question du droit d’auteur dans la littérature congolaise ».
Un sujet qui a été décortiqué avec expertise par notre interviewée, étudiante en droit à l’université de Kinshasa.
Pour cette écrivaine, la notion du droit d’auteur en RDC avance, mais à pas de tortue,puisque cette dynamique est freinée par plusieurs obstacles, dont l’insuffisance des mécanismes de protection concrets.
Lisez l’intégralité de cette interview à travers les prochaines lignes.

POURELLE.INFO : Combien d’années avez-vous fait dans ce monde d’écrivain ?
Jessica NTUMBA : Cela fait maintenant cinq ans que je chemine dans l’univers littéraire. Mon entrée sur scène s’est faite en 2021 , avec la publication de mon premier roman
“L’absence d’une mère”. L’œuvre a été solennellement baptisée par l’écrivaine Élisabeth Bethy MWAYA TOLAND lors de la cinquième édition de la Grande Rentrée Littéraire de Kinshasa, organisée par la délégation générale Wallonie-Bruxelles, le 29 octobre 2021.Depuis ce jour, l’écriture est devenue pour moi une vocation à part entière. Chaque année m’offre un nouveau chapitre, riche en défis et en révélations. Cette aventure m’a non seulement permis d’explorer la complexité de la création littéraire, mais aussi de mieux cerner les contours juridiques essentiels à la protection des œuvres, notamment en matière de droits d’auteur.
POURELLE.INFO : Selon vous, comment se porte le secteur du droit d’auteur dans la littérature congolaise ?
Jessica NTUMBA : Le droit d’auteur en République Démocratique du Congo avance, mais à pas mesurés. Nous assistons à un éveil salutaire parmi les écrivains, de plus en plus conscients de la nécessité de protéger juridiquement leurs œuvres. Certaines structures institutionnelles manifestent aussi un intérêt croissant pour la gestion collective des droits. Toutefois, cette dynamique reste freinée par plusieurs obstacles : le manque de formation juridique, l’insuffisance des mécanismes de protection concrets, et une bureaucratie encore trop lourde. Il devient donc impératif de simplifier et de démocratiser les procédures de déclaration, afin que chaque auteur, quelque soit son niveau, puisse accéder sans difficulté à la protection de ses droits. Le respect des droits d’auteur commence par la clarté des démarches et leur accessibilité.
POURELLE.INFO : En tant qu’écrivaine, pourquoi est-ce important de déclarer ses droits d’auteur ? Et où le faire exactement ?
Jessica NTUMBA : Déclarer ses droits d’auteur, c’est graver son nom dans l’histoire de son œuvre. C’est affirmer, noir sur blanc, que l’inspiration, les mots, la pensée sont le fruit d’un esprit unique. En tant qu’ écrivaine, je considère cette démarche comme un acte fondateur : elle protège l’œuvre contre les abus, légitime la paternité intellectuelle et ouvre la voie à une reconnaissance aussi bien morale que financière. C’est une barrière contre le plagiat, mais aussi une porte vers l’avenir, car sans droits reconnus, l’auteur est à la merci de l’exploitation sauvage de son travail. En RDC, cette déclaration peut être effectuée auprès de la Société Congolaise des Droits d’Auteur et des Droits Voisins (SOCODA), ou dans toute autre institution habilitée à gérer les droits d’auteur.
POURELLE.INFO : Quelles sont les démarches pour que les droits d’auteur soient attribués à un écrivain après ses réclamations ?
Jessica NTUMBA : Lorsqu’un auteur revendique ses droits, il doit établir avec clarté la preuve de sa création. Cela passe par le dépôt de l’œuvre auprès d’un organisme reconnu en RDC, la SOCODA reste la référence. Ce dépôt est suivi d’un enregistrement officiel dans le registre des droits d’auteur, qui constitue une preuve légale de propriété intellectuelle. C’est à partir de cet acte que l’auteur peut faire valoir ses droits devant toute entité exploitant l’œuvre, volontairement ou non. Ce processus, bien qu’administratif, est fondamental : il transforme une simple création en bien protégé par la loi, avec toutes les garanties que cela implique.
POURELLE.INFO : Comment rentre-t-on en possession de ses droits d’auteur ?
Jessica NTUMBA : L’attribution des droits d’auteur est automatique à partir du moment où l’œuvre est créée. Mais pour en jouir pleinement – et surtout juridiquement – l’auteur doit poser des actes concrets : faire enregistrer l’œuvre, la déclarer auprès d’un organisme de gestion collective, comme la SOCODA, et surveiller son exploitation. Dès qu’une œuvre génère des revenus ou est diffusée, il est du devoir de l’auteur de faire valoir ses droits, qu’il s’agisse de reproduction, de distribution, ou d’adaptation. Les sociétés de gestion collective servent alors de relais pour percevoir et redistribuer les redevances dues. Sans ces démarches, les droits restent théoriques.
POURELLE.INFO : Quel message lancez-vous aux écrivains et écrivaines de la RDC en ce jour où le monde célèbre la journée mondiale du livre et du droit d’auteur ?
Jessica NTUMBA : En cette Journée mondiale du livre et du droit d’auteur, j’invite les écrivains et écrivaines de la RDC à se dresser avec fierté pour défendre la dignité de leurs créations. Une œuvre littéraire n’est pas une simple suite de mots : c’est une parcelle de l’âme de son auteur. Elle mérite protection, reconnaissance et respect. Il est urgent que chacun prenne conscience de la valeur de son travail, qu’il s’informe, se forme, et surtout qu’il déclare ses œuvres. La littérature congolaise est un trésor, mais un trésor qui, pour briller, a besoin d’être protégé. Soyons unis, éveillés et combatifs pour que nos droits ne soient plus jamais ignorés, mais célébrés à la hauteur de notre talent.

Sachez que la Journée mondiale du livre (également appelée Journée mondiale du livre et du droit d’auteur ou Journée internationale du livre) est un événement annuel célébré le 23 avril et organisé par l’UNESCO, branche culturelle des Nations-Unies, pour promouvoir la lecture, la publication et les droits d’auteur.
Rappelons que le 18 décembre 2024, les travaux de la Commission Spéciale dédiée à la question de la gestion collective des droits d’auteur et des droits voisins ont été officiellement lancés par Yolande ELEBE MA NDEMBO, Ministre de la Culture, Arts et Patrimoine, au nouveau Centre Culturel et Artistique pour les pays de l’Afrique Centrale dans la commune de KASA-VUBU, sur le boulevard triomphal, à Kinshasa.
Dans cette assise, il était question de mettre en place un cadre clair, rassurant et pérenne pour garantir la protection des droits d’auteur et des droits voisins en République Démocratique du Congo.
Ézéchiel NGAMANIA
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